Décision de la Cour dans l’affaire Djedjey Deret Yves Marcel contre l’Etat de Côte d’Ivoire :

La Cour déclare excessive la demande de réparation de Djedjey Deret Yves Marcel

La Cour de justice de la CEDEAO, dans la décision qu’elle a rendue le mercredi 29 mai 2024 dans l’affaire opposant DJEDJEY DERET YVES MARCEL, le Directeur Général de la Société Anonyme AGRIBIZNET à l’Etat de Côte d’Ivoire, a déclaré irrecevable la réclamation de la somme d’un milliard de francs CFA à titre de dommages et intérêts faite par le requérant en réparation du préjudice moral de la société AGRIBIZNET. Elle a jugé excessive la somme d’un milliard sollicitée par DJEDJEY DERET YVES MARCEL à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la garde à vue excédant le délai légal.

Dans la décision prononcée par le juge Rapporteur et président du panel, l’honorable juge Gberi-bè Ouattara, la Cour a jugé que la demande du requérant au profit de la Société Anonyme AGRIBIZNET est irrecevable. Toutefois, elle a reconnu la violation du droit du requérant à ne pas être détenu arbitrairement et a partiellement accueilli sa demande de dommages et intérêts pour cette détention. En conséquence, elle a condamné l’Etat de Côte d’Ivoire, le défendeur à verser un million de francs CFA en compensation.

Par requête enregistrée le 28 novembre 2018, DJEDJEY DERET YVES MARCEL, le Directeur Général de la Société Anonyme AGRIBIZNET a exposé qu’il a été invité à la Direction de la Police Economique et Financière (DPEF) dans le cadre des investigations sur les activités des sociétés d’Agro-Business. Il a indiqué qu’il a été gardé à vue pendant huit (8) jours avant d’être déféré au Parquet du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau le 13 janvier 2017 alors que le délai légal est de 48 heures renouvelable une fois. Il a expliqué que ce même jour, le procureur de la République a requis l’ouverture d’une information judiciaire confiée au juge d’instruction du 8ème cabinet. Après l’avoir inculpé pour escroquerie et blanchiment de capitaux, le magistrat instructeur l’a placé en détention préventive à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) par mandat de dépôt du 13 janvier 2017.

Il a soutenu que l’Etat de Côte d’Ivoire a violé ses droits et a saisi la Cour pour qu’elle constate cette détention arbitraire en violation des articles 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) et 9 alinéa 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP). Il a également demandé la cessation de ces violations par sa libération et la condamnation de l’Etat de Côte d’Ivoire à lui payer dix milliards de francs CFA en dommages et intérêts.

Par les écritures de son conseil, l’Etat de Côte d’Ivoire a expliqué que le 22 septembre 2016, le Conseil National de Crédit (CNC) a alerté la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP) sur le volume des transactions financières des entreprises faisant appel public à l’épargne. Il a indiqué que la DGTCP a mis en place un groupe de travail pour évaluer ces entreprises d’Agro-Business. Il a rapporté que ces entreprises, dont la Société Anonyme AGRIBINET, opéraient sans l’autorisation requise, engageant des placements à haut risque assimilables à de l’anarque et de l’escroquerie.

Il a expliqué qu’à la suite de ces investigations, l’Agent judiciaire du Trésor a dénoncé ces faits au Procureur de la République, ajoutant que les dirigeants de ces entreprises ayant disparu, seule l’arrestation du Requérant, Directeur Général de la Société AGRIBIZNET, et de ses collaborateurs a été possible.

Il a relevé que le doyen des juges d’instruction a inculpé le requérant pour escroquerie et blanchiment de capitaux, le plaçant en détention préventive à la MACA le 13 janvier 2017.

Alors que l’instruction suivait son cours, le requérant a saisi la Cour pour violation de ses droits, réclamant dix milliards de francs CFA en dommages a-t-il dit. Le défendeur a précisé que le requérant a bénéficié d’une grâce présidentielle en décembre 2018 et n’est plus en détention depuis janvier 2019, et a demandé à la Cour de déclarer la requête non fondée.

Dans son jugement, la Cour a indiqué qu’il est de la responsabilité de l’Etat de Côte d’Ivoire de prouver que les allégations faites par le requérant sont fausses. Mais, comme le défendeur n’a pas pu le démontrer, la Cour a considéré que les faits allégués par le requérant sont prouvés et a conclu que le défendeur a violé le droit du requérant à ne pas être détenu arbitrairement.

Par contre, la Cour a jugé que le défendeur n’a pas violé les dispositions de l’article 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) ni celles de l’article 9, alinéa 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) s’agissant de sa détention préventive ordonnée par le juge d’instruction, arguant que l’arrestation et la détention du requérant a été effectuée légalement, avec une prolongation régulière de la détention jusqu’à sa libération par un décret présidentiel.

S’agissant de la réparation, la Cour a reconnu que le requérant a subi un préjudice physique en ayant été gardé à vue pendant plus de 96 heures. Elle a jugé cette détention arbitraire, et a estimé que la demande de dommages et intérêts est partiellement justifiée. Toutefois, elle a trouvé que la somme de 1 milliard de francs CFA réclamée par le requérant est excessivement élevée par rapport au préjudice réellement subi. Elle a décidé donc de réduire cette somme à 1 million de francs CFA.

Les autres honorables juges ayant siégé dans cette affaire étaient Sengu M. Koroma, membre et Ricardo Claúdio Monteiro Gonçalves, membre.